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"Pour un monde meilleur"

Chapitre I - Chapitre II - Chapitre III - Chapitre IV

Roman policier


Un policier
Assaut
Le Pacte

L'Organisation

Chapitre IV

Commissariat de Belleville, 16 heures 30. Pendant que Leclerc interrogeait Spinoza, Roman se trouvait avec Vigneron dans le bureau de Fourreau.
- Comme je l'avais dit à M. Saint, Schultz nous avait promis une promotion. Simonet a accepté. La preuve que je suis de votre côté est qu'ils n'étaient pas au courant de l'arrestation de mon patron il y a deux jours. L'homme qui vous a conduit jusqu'au bureau de l'entrepôt était surnommé Roland, c'est un ferrailleur à la retraite. Celui qui a tenté de vous donner un coup de boule était un ex-SDF.
- Le camion Berliet, dit Fourreau, ne pouvait contenir que 27 cartons de bouteilles de bordeaux. Nous en avons trouvé 28 dans l'entrepôt plus un petit contenant des flacons vides en provenance de la Verrerie Charlebois. Pouvez-vous m'expliquer ça ?
- Le carton contenant les flacons était le dernier qui restait. J'étais chargé une fois par semaine d'aller en ramener dix de chez la verrerie Charlebois avec Gilles, le conducteur de la camionnette Renault bleue accidentée à l'arrière. Tout ce que je sais, c'est que de temps en temps un type d'allure dynamique, une tête à claques, vient le soir à bord de sa 206 chercher systématiquement un carton de Bordeaux accompagné d'un carton de ces flacons vides, après avoir échangé discrètement quelques mots avec Spinoza dans son bureau. Parfois un deuxième type, un gros fumeur, aussi mystérieux que lui, l'accompagnait. J'ignore la destination de ces deux cartons.
- Quel est le responsable de cet entrepôt ?
- Catherine Spinoza. Je devais la remplacer deux fois par semaine ou en son absence. Elle m'avait expliqué une partie de son travail qui consistait à tenir une simple comptabilité en attendant l'installation d'un garage dans ce bâtiment dont je serais le responsable. Il fallait aussi vérifier la quantité de fret avant la réexpédition.
- D'après vous, sont-ils complices avec cette verrerie ?
- A ma connaissance, non.
- Pourtant l'entrepôt portait l'enseigne "Verrerie Charlebois" bien que ce dernier soit en mauvais état.
- La société Charlebois est une usine qui se trouvent à une dizaine de kilomètres de l'entrepôt. Ce dernier est donc un ancien bâtiment de la verrerie qui a été racheté par Monsieur X, comme vous dites...
- Ont-ils d'autres activités ? Spinoza m'a dit qu'il fallait que j'apprenne à tirer, mais j'ai refusé.
- Et les 27 cartons de vin, où vont-ils ?
- Ils font aussi du commerce avec les grandes surfaces.
- Connaissez-vous la date des prochaines réexpéditions ?
- Je l'ignore. Je pense que seule Spinoza le sait.
- Faites attention, M. Vigneron parce que vous risquez d'être accusé d'association de malfaiteurs... On a découvert deux caisses qui contenaient de vieilles plaques d'immatriculation, vous êtes au courant de ça ?
- Spinoza m'a dit que Roland les leur avait revendues il y a un mois.
- Combien êtes-vous à travailler dans l'entrepôt ?
- Six... Un jeune nous avait quitté... je suis le seul à ne pas être armé.
- Savez-vous où habite ce jeune ?
- Non... On l'appelait Rich, il a 20 ans, toujours excité et assez mal élevé. C'est tout ce que je sais sur lui.
- Nous avons arrêté le gardien de l'entrepôt, vous le connaissez ? interrogea Roman
- Oui, il s'appelle Adel. Spinoza surnommé Cathy, Rich et Adel forment une bande qui sortaient souvent ensemble à bord de la Peugeot 106 noire dont le chef était Denis Schultz, et après la mort du fils, le père l'a remplacé.
- Ce sont donc eux les voleurs de cartes bleues et les assassins de monsieur Duroc.
- Rich comme Richard. Pouvez-vous le reconnaître ? demanda Fourreau
- Oui, bien sûr.
- Vous êtes libre. J'essaierai de vous trouver un emploi... Je vous rappellerai pour reconnaître ce Rich.
Pendant que Vigneron quittait le commissariat, Leclerc annonça à Fourreau que Spinoza ignorait la destination des flacons. Elle niait aussi être la brune coiffée d'une perruque blonde et disait même que la Peugeot 106 appartenait à un personnage mystérieux dont elle ne connaît pas le visage... Contrairement à Vigneron, Spinoza n'était pas d'humeur à coopérer.
  - Tu déjeunes avec nous Roman ? lui demanda le commissaire.
- Avec grand plaisir.
- Je parie que ces flacons sont destinés au "docteur Franckeinstein" alias le professeur Goujon pour qu'il les remplisse de son sérum, dit Leclerc.
- Sans doute, approuva Fourreau. Au fait, Roman, j'avais oublié une chose très importante...Le célèbre commissaire Nguyen Van Loc, du G.I.P.N., t'adresse ses félicitations. Il a déclaré être très impressionné par tes exploits.
- C'est pour moi un grand honneur. Cela me fait très plaisir. Est-ce que tu veux bien lui en faire part et le remercier pour moi à l'occasion.

En ce début d'après-midi de fin mars, Roman rentra chez lui sous un soleil radieux. Il rencontra Mme Delatour qui arrosait ses fleurs. Elle lui annonça le retour de son mari, l'invita pour déjeuner dimanche, il accepta avec plaisir. Il monta avec Moustache dans son appartement, s'installa dans le salon et mit un disque de J.S. Bach. Le chat avait cessé d'intervenir depuis peu, pour annoncer la présence de Marie-Ange, afin de laisser son maître seul en relation intime avec sa maîtresse. Roman éprouvait une agréable sensation lorsqu'Agnès lui manifestait sa présence en lui. Il évoluait sans cesse, malgré les innombrables obstacles de la vie, dans sa recherche de l'absolu. Il avançait progressivement au fil des mois vers les mystères et les trésors ineffables de l'au-delà. Il commençait à ressentir, durant ses séances de méditation, des caresses spirituelles provenant des profondeurs du monde éternel, que l'âme d'Agnès ignorait et ne pouvait percevoir. Il voulait atteindre son idéal. Celui-ci l'attendait. Il allait connaître la souffrance la plus extrême et la plus insupportable qu'un être humain pouvait concevoir : un passage obligatoire qui lui permetrait de figurer parmi les plus grands mystiques chrétiens.
  La sonnerie de l'interphone retentit. Il décrocha et une voix lui annonça :
- C'est la factrice, j'ai un paquet recommandé pour vous.
Roman reconnut la voix. Il se tint éloigné de quelques mètres de la porte d'entrée, appuya sur la télécommande qui l'ouvrit. Une jeune fille le regardait, un paquet dans les mains.
- Bonjour M. Saint !... Ouah ! C'est sophistiqué chez vous maintenant !
- Bonjour Isabelle ! Ah oui, je vois ce que c'est...
Après le départ de la préposée, il ouvrit le colis, sortit une télécommande et un courrier de la société "Sélectron".
    " Cher Monsieur Saint,
Je vous envoie ci-joint l'objet de votre commande. Ainsi qu'il en a été convenu, je vous saurais gré de bien vouloir me renvoyer l'ancienne télécommande. Le montant de la première facture a été déduit du prix de celle-ci. Je souhaite que cet appareil performant vous aidera à arrêter la bande de malfaiteurs.
  La direction et moi-même vous adressons nos amitiés ainsi que nos profonds remerciements.
Veuillez agréer, ...
Signé : Le responsable du groupe Conception. Serge Major ".

  Roman reçut un nouvel appareil, unique et multifonctionnel, mis au point par les ingénieurs de la firme Selectron pour son usage personnel. Celui-ci était doté d'un système à déclenchement pour protéger son appartement et sa voiture ; un écran d'affichage permettait d'en régler la puissance. Un clavier alphabétique servait à Agnès pour taper ses phrases ; chaque mot était transformé instantanément en parole. Un signal lumineux d'appel urgent s'allumait en clignotant : jaune quand il appelle son correspondant et rouge quand il reçoit un appel. Le vert, enfin, signalait que l'une des deux personnes avait reçu l'appel de l'autre.
Il fit un essai. Il tapa le mot "Agnès" qui s'afficha sur l'écran. Il appuya sur une touche marqué de la lettre "U". Il entendit un bip, son appareil fonctionna à merveille. Grâce à la montre bracelet spéciale que Roman avait attachée au poignet d'Agnès, celle-ci perçut son appel. Quelques secondes plus tard, il sentit la présence de la jeune femme.
"Oui Roman", dit une voix féminine (programmé d'avance) émergeant de la télécommande, "je vois que tu viens d'en recevoir une nouvelle plus sophistiquée".
- Je fais simplement un essai. Dis-moi, cela ne t'as pas causé de problème lorsque tu suivais la Citroën AX, jamais tu ne t'es éloigné autant de l'hôpital ?
- "Il faut savoir se sacrifier pour sa patrie. Je vais bien... je dois repartir".
- Moi aussi, je t'aime.

  Roman reçut chez lui un appel téléphonique inhabituel du commandant Leclerc.
- M. Saint, votre club a fait l'objet d'un attentat cette nuit. Une explosion de faible puissance a détruit la vitrine du magasin sans faire de victimes.
Il se rendit au commissariat et rencontra Fourreau ainsi que le directeur du club. L'attentat n'a pas été revendiqué mais le directeur avait reçu une lettre le matin même. L'auteur avait visé le point faible de sa victime, sachant qu'il aimait son métier qu'il exerçait depuis plus de dix ans. Son but était de faire craquer Roman. La lettre menaçait une nouvelle destruction plus puissante s'il n'abandonnait pas l'enquête.
- Je vais devoir vous licencier provisoirement, M. Saint, jusqu'à l'arrestation de l'auteur, lui dit le directeur. Ou bien préférez-vous abandonner votre enquête, à vous de choisir.
- Je te propose de t'engager comme policier contractuel pour un délai de trois mois renouvelable.
Saint n'avait pas d'autres choix que d'accepter la proposition du commissaire. Il était hors de question pour lui d'abandonner son métier mais ce recyclage forcé, loin de le gêner, lui permettrait de travailler à temps plein pour retrouver les coupables. "Une erreur de stratégie de Monsieur X qui accélèrera la défaite de son monde", se dit-il pour se consoler.


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