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Roman policier Chapitre II Délinquance Rencontre Fantôme L'Organisation |
Un bruit de moteur et un cahotement réveillèrent difficilement Saint. Il ouvrit avec peine ses yeux et découvrit qu'il était couché sur le plancher dans une camionnette, pieds et mains liés, la bouche close par du sparadrap. Il faisait nuit. L'intérieur n'était éclairé que par des lueurs lunaires. Jeannine Langlois et un homme se trouvaient assis face à lui. Il entendit une voix et ferma les yeux... mais ce n'était pas à lui que l'on venait de parler. Il espérait que Marie-Ange intervienne mais sans trop y croire car si elle avait été là elle l'aurait déjà fait avant qu'il ne se trouvât dans cette situation fâcheuse. Mais Roman n'a pas dit son dernier mot car il ne se laissait pas capturer ainsi si facilement. Il attendait avec impatience la moindre erreur ou maladresse de ses kidnappeurs pour user de son talent d'évasion. Le vent qui soufflait devenait de plus en plus violent. Le véhicule avait quitté la ville et se trouvait sur une route nationale. Quelques instants plus tard, la
pluie s'abattait sur le toit et ruisselait sur les vitres accompagnée d'éclairs et des grondements du tonnerre. La dose de somnifère que Langlois lui avait fait avaler était aussi puissante que celle qu'utilisaient les chasseurs de fauves pour imbiber leurs flèches. La visibilité réduite obligea le conducteur à ralentir. Cela donnait du temps à Saint pour se réveiller peu à peu. Il écoutait ses ravisseurs...
- Jojo ! Accélère un peu, dit au conducteur un dénommé Carpentier qui apparaissait comme le responsable de la bande, l'un des trois passagers.
Le bruit provoqué par la pluie et le moteur les obligeaient à hurler pour s'entendre.
- Quoi ?
- J'ai dit : Va plus vite !
- Tu vois bien qu'on ne voit rien devant.
- Quoi ?... Parle plus fort, j'entends rien.
- Peux... pas... Vois... rien.
Le véhicule roulait à soixante kilomètres à l'heure, puis à cinquante puis à quarante... Carpentier s'approcha du conducteur et lui dit :
- Il y avait une bagnole devant toi.
Elle t'a distancé, on ne la voit plus. Tu traînes Jojo. Arrête-toi, laisse-moi conduire, autrement on sera encore là demain matin avec la police à nos trousses.
Le véhicule s'arrêta sur un chemin de terre, Carpentier et le conducteur s'échangeaient leur place en passant par dessus la banquette... Le véhicule, une camionnette Citroen dépassa les soixantes kilomètres à l'heure et rejoignit la voiture rouge qui l'avait précédée, une Opel. Le tonnerre continuait à gronder de temps à autre suivi d'éclairs. La route était toujours aussi peu visible et un panneau indiquait qu'elle devenait glissante. La voiture rouge ralentissait sa vitesse à cinquante kilomètres à l'heure et se fit klaxonner par Carpentier. Il la dépassa et reprit de la vitesse... Quelques instants plus tard, apparut devant lui une Ford, il klaxonna et celle-ci le laissa dépasser. Mais un peu plus loin, soudain, à une dizaine de mètres, visibilité maximale, il aperçut l'arrière d'une voiture blanche immobilisée sur la chaussée. Surpris, il lâcha un juron mais gardait son sang froid, il écrasa la pédale de frein et tira son frein à main, évitant de justesse de participer à un carambolage. Les deux autres passagers, affolés, hurlaient leur indignation.
- Fais gaffe Carp, t'es dingue ou quoi ! cria Langlois.
- Eh ! Ralentis, tu vas nous tuer ! lança Jojo.
Carpentier semblait mesurer la gravité de son imprudence, il rétrograda et garda une vitesse raisonnable.
Le véhicule roulait sans problème depuis une dizaine de minutes, Saint trouvait le temps long mais ne désespérait pas. Après quelques kilomètres de trajet il eut soudain un mauvais pressentiment. Dès que l'occasion se présenterait, il mettrait son plan à exécution. Il attendait, quand tout à coup Carpentier vit surgir devant lui à deux mètres un animal de grande taille qui traversait la route. Par un réflexe exceptionnel, il freina à fond en braquant brutalement à gauche mais son brusque coup de volant provoqua un tête à queue sur une dizaine de mètres, dûe à l'état toujours glissant de la chaussée... Saint n'avait que quelques secondes pour agir. Profitant de la panique générale et de l'obscurité de la nuit, il se leva sans peine avec ses jambes ligotées, avant que Jojo puisse dégainer son arme à feu, Saint prit son élan, d'un violent coup d'épaule, il ouvrit la portière arrière et sauta de la camionnette juste avant que celle-ci achevât sa course dans l'avant d'une Peugeot 206 venant en sens inverse. Une violente collision défonça les deux carrosseries et les vitres volèrent en éclat. Aucun voyageur ne semblait donner signe de vie après le choc, à part une silhouette rampante qui s'empressait de quitter les lieux pour ne pas être victime d'une explosion éventuelle...
Le lendemain matin, Roman se réveilla dans un lit d'hôpital, un bandeau sur la tête. Il demanda au malade qui partageait la chambre que lui :
- Où sommes-nous ?
- A l'hôpital Saint Joseph.
Il se leva complètement étourdi en se tâtant la tête, sortit en boitant légèrement de la chambre et se dirigea vers l'accueil
- Puis-je téléph...
- Monsieur, monsieur, rentrez dans votre chambre s'il vous plaît ! lui dit une infirmière en se précipitant vers lui.
- Je voudrais parler au médecin, S.V.P.
- Je vais la chercher...
Une femme en blouse blanche pénétra dans la chambre
- Bonjour M. Saint ! Comment allez-vous ?
- Bonjour docteur ! Quand pensez-vous que je serai sur pied ?
- Dans deux jours probablement. Le policier chargé de votre protection a dû s'absenter un instant, il va revenir...Vous avez beaucoup de chance, un de vos ravisseurs, le conducteur est le seul survivant, mais il est actuellement dans le coma. Vous avez quelques bosses, dont une grosse sur la tête et plusieurs contusions.
Saint essayait avec peine de se souvenir de ce qui s'était passé, il se remémorait uniquement le fait d'avoir été ligoté et enlevé dans un véhicule. Un homme en blouson marron et pantalon kaki entra dans la pièce. Il y eut une poignée de mains.
- Bonjour, M. Saint. Je m'appelle Eric Boulanger, lieutenant de police, dit-il en présentant sa carte professionnelle. Le commissaire Fourreau m'a chargé de vous protéger...Très heureux !
- Ravi de vous rencontrer lieutenant.
Pendant ces deux journées de repos, il passait son temps à la relaxation, la méditation et pria pour Marie-Ange.
Vendredi matin, accompagné de Fourreau qui vint le chercher, Roman sortit de l'hôpital en gardant simplement un petit pansement sur la tête. Le policier l'informa que la camionnette Citroën était volée et que deux des trois ravisseurs étaient inconnus des services de police. Langlois, call-girl, était en prison pour un vol chez un particulier. Fourreau se chargeait d'interroger le propriétaire de son appartement. L'une des deux armes de Roman lui fut restituée, le Derringer étant hors d'usage. Il se demandait où ses ravisseurs avaient l'intention de l'emmener. Le dernier truand mourut le matin même.
De retour chez lui, il passa chez Mme Delatour pour récupérer Moustache qu'elle avait bien voulu garder pendant son hospitalisation.
Il s'interrogeait sur ce que Monsieur X comptait faire après l'échec de toutes ses tentatives pour le mettre hors d'état de nuire. Les moyens mis en oeuvre pour le neutraliser montraient que son ennemi était à la tête d'une riche, et donc puissante, organisation. Il ne doutait pas que son adversaire attaquât en force en utilisant toutes les possibilités dont il pouvait disposer. Mais Saint avait aussi plus d'un tour dans son sac, nécessité de justicier oblige.
Il réfléchit à ce qui s'était passé avec Jeannine Langlois pour comprendre où il avait commis une erreur. Sans doute avait-il sous-estimé ce monsieur X. Mais une chose l'avait étonné : comment étaient-ils au courant qu'il portait sous son blouson un Derringer dans sa gaine bracelet alors que tout ceci n'était pas visible. Pourtant il avait prit la précaution de ne le révéler à personne, même pas à Fourreau. Une seule personne le savait : son fournisseur, l'armurier Desfaucheux. Il se souvint que ce dernier n'importait pas ce type d'arme. Il aurait donc demandé la fabrication de la gaine bracelet à une autre société ? S'il était de connivence avec monsieur X, pourquoi avait-il accepté d'équiper son ennemi ? Saint se rendit immédiatement chez l'armurier, impatient de solutionner ce mystère...Il poussa la porte vitrée et pénétra dans la boutique.
- Bonjour M. Saint. Que puis-je faire pour vous ?
- Monsieur Desfaucheux, dites-moi qui vous a fourni le bracelet de cuir pour mon Derringer ?
- Un fabricant, pourquoi ? Y a-t-il un problème ?
- Pouvez-vous me donner l'adresse de ce fabricant ?
- Ah ! désolé, cher monsieur, mais le secret professionnel...
Roman avait du mal à garder son calme après son accident.
- Vous travaillez pour Schultz, n'est-ce-pas ?
- Pas du tout, je ne connais pas ce Choule, je ne comprends pas ce que vous voulez.
- Ecoutez Monsieur Desfaucheux, je poursuis un dangereux criminel. Il y va de votre intérêt de le dénoncer ou je vous accuse d'être son complice.
- Vous en avez du culot, de quel droit me parlez-vous ainsi ? Vous êtes de la police ?
Roman s'approcha de lui et empoigna sa chemise. L'armurier tenta de lui donner un coup de poing mais il lui saisit brutalement le poignet et lui fit une clef en plaçant son bras derrière le dos. L'homme grimaça de douleur malgré sa musculature d'ancien boxeur.
- A qui avez-vous donné mon nom ? Répondez ou je vous casse le bras.
L'homme tenta de se défaire en usant d'astuce mais son adversaire, beaucoup plus habile, parvint à lui bloquer sans difficulté la gorge provoquant une douleur qui l'étouffait. Il prononça avec peine :
- D'accord, d'accord... Je vous dis tout.
Lorsque Roman le lâcha il toussa à deux reprises.
- Au départ, j'avais téléphoné à la société "Calibrix" que je connaissais à peine, un spécialiste dans la vente d'armes à feu de petit calibre. L'homme qui m'a répondu...
- Comment s'appelle-t-il ?
- Monsieur Boiteux... Donc, ce monsieur m'a appris que cette société avait fait faillite et me proposa ses services que j'ai acceptés, il est gérant chez "Arcanciel" dans le 17è arrondissement.
- Donnez-moi ses coordonnées.
Desfaucheux sortit de son tiroir une carte de visite, la remit à Saint et continua :
- Mardi matin, ce gérant m'a téléphoné pour me demander le nom de mon client. Je lui aurais envoyé baladé s'il n'avait pas une raison valable. Mais il m'avait accordé une réduction intéressante, je lui ai rendu service en lui révélant votre nom. L'utilisation de ce revolver américain à l'avant-bras est rarissime ; seuls les justiciers ou les agents secrets l'utilisent, ce qui a, sans doute, attiré sa curiosité.
Roman, perplexe, n'était pas convaincu de sa déclaration. L'armurier poursuivit :
- Si vous avez eu des ennuis, je n'y suis pour rien. C'est la police qu'il faut aller voir.
- J'espère que tout ce que vous me dites est vrai. Désolé pour tout à l'heure. Avez-vous entendu parler de la fameuse bande à Schultz, des voleurs de cartes bleues ?
- Ah ! Schultz ! Oui, dans la presse, à la télé...Mais je ne suis pour rien dans cette affaire...
- Faites attention à vous, ils sont dangereux. En cas de problème, appelez ce policier.
Saint lui tendit une carte de visite de Fourreau.